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Savoir dire non à 100 milliards de dollars

Par David Barroux

Publié le 24 oct. 2016 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

« Avoir raison trop tôt, c'est avoir tort », confesse aujourd'hui Jean-Marie Messier. Le boulimique patron, qui avait conduit à sa perte Vivendi au début du siècle, à force de multiplier des OPA coûteuses et indigestes, était habité par une vision : les tuyaux et les contenus convergeraient. Pour survivre dans un monde numérique, les opérateurs télécoms seraient obligés d'avaler les créateurs de contenus. En lançant le rachat pour plus de 100 milliards de dollars (reprise de dette comprise) de Time Warner, ATT, le géant américain des télécoms, s'inscrit dans cette logique. Pour se différencier, pour fidéliser ses abonnés, pour se protéger face à l'émergence de nouveaux rivaux et pour être sûr de gagner sur tous les fronts en empochant à la fois les marges d'un opérateur et celles d'un créateur de contenus, ATT, qui est en panne de croissance, casse une nouvelle fois sa tirelire pour s'acheter un avenir. En agissant de la sorte, l'américain fait un double pari : celui de la taille et celui de l'intégration verticale. A son échelle, le SFR de Patrick Drahi fait d'ailleurs la même analyse. Séduisante sur le papier, cette logique défensive de consolidation est cependant loin d'être forcément gagnante. D'abord, parce que Time Warner, qui fut au coeur de l'OPA la plus désastreuse de l'histoire du capitalisme en achetant pour plus de 150 milliards de dollars AOL au pic de la bulle Internet, sait bien que les rachats sont systématiquement gagnants pour les banquiers d'affaires. Mais pas pour les actionnaires. Même si l'opération est, comme dans le cas présent, en partie payée en actions. Boucler une acquisition prend un temps considérable, les synergies promises ne sont pas toujours au rendez-vous et la mariée est parfois moins parfaite qu'espéré. Surtout, ATT prend cette fois un énorme risque sur le terrain réglementaire. Pour faire accepter un tel mariage, l'antitrust va exiger que l'opérateur garantisse que chacun aura encore demain accès aux contenus créés par Time Warner. Et même si cela limite l'intérêt de l'opération, il aura raison, car la logique d'intégration verticale qui séduit les opérateurs est dangereuse pour les consommateurs. Elle dessine un monde de jardins clos dans lesquels l'accès aux contenus dépendrait de son opérateur. Un peu comme si un jour Orange en France rachetait Canal pour en réserver tout ou partie à ses seuls abonnés. Non seulement cela n'a pas forcément de sens économique mais, à ce compte-là, pourquoi ne pas aller encore plus loin en laissant Apple racheter Netflix, voire un jour un opérateur télécoms ? Poussée à l'extrême, cette logique d'intégration limitera les choix, la mobilité des abonnés et risque de conduire à une hausse des factures. Il faut parfois avoir le courage de dire non à 100 milliards de dollars.

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