Guo Taiming, alias Terry Gou, le « tueur souriant »
Le fondateur de Foxconn est connu pour sa dureté.
Par Alain Ruello
En pantoufles et avec une demi-heure de retard s'il vous plaît ! Les représentants de cette entreprise japonaise n'ont pas dû oublier cette réunion avec Guo Taiming, le patron de Foxconn, telle que l'a relatée un ex-cadre maison en 2013 au « Nanfang Weekly », un quotidien très réputé du Guangzhou. Un fournisseur qui veut montrer toute sa puissance de négociation à l'un de ses donneurs d'ordre ? L'histoire ne dit pas si le fondateur du numéro un mondial de la sous-traitance dans l'électronique, aussi connu sous le nom de « Hon Hai Precision », s'est permis de faire de même avec Apple, pour lequel il est le premier assembleur d'iPhone et d'iPad. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que l'arrogance naturelle qui a fait sa réputation va de pair avec l'admiration qu'on lui prête pour Gengis Khan, un maître en la matière !
Sans remonter jusqu'au souverain mongol, Guo Taiming a été à bonne école dans son enfance. Né en 1950 à Taiwan d'un père militaire, il a tâté de la formation des armes de seize à vingt et un ans. Famille pauvre et discipline inculquée tôt : les graines de la revanche sociale étaient plantées. Et comme on apprend en tombant, le jeune homme - il a alors vingt-cinq ans - commence par « brûler » avec quelques amis 100.000 dollars de Hong Kong, dont une partie apportée par sa mère, dans une entreprise de plastique.
Un style militaire
Nous sommes dans les années 1970 et le petit écran s'installe partout dans l'île nationaliste. Celui qui n'est pas encore connu sous le nom de Terry Gou ne se laisse pas abattre. Le déclic et le début de la fortune viennent avec la fabrication de boutons de télévision, toujours en plastique. Suivront les équipements pour ordinateur. L'ascension ne s'arrêtera plus. Marié deux fois et père de cinq enfants, le patron de Foxconn va chercher ses clients aux Etats-Unis et au Japon. En 1988, il ouvre sa première usine à Shenzhen, en face de Hong Kong, dans cette Chine communiste qui offre à l'économie de marché les bras pas chers de ses millions d'ouvriers.
Le personnage, évidemment, est un fou de travail et il a imposé son style militaire. Les ouvriers ? Ils doivent obéir à 100 % aux ordres et n'avaient droit, au début, qu'à cinq minutes pour aller aux toilettes. Les cadres dirigeants, eux, doivent rester joignables par téléphone 24 heures sur 24. Et quand il s'adresse à ses troupes, c'est d'un « moi, le patron » ! Quant aux concurrents, c'est simple : faute d'arriver à les battre à la loyale, on les « dévore »...
Mais, comme Gengis Khan, mort après être tombé de cheval lors d'une partie de chasse, Terry Gou a connu la chute quand la dénonciation des mauvaises conditions de travail chez Foxconn a ébranlé son image, entre 2008 et 2012. Il y a survécu, mais pas 14 de ses employés (chiffre officiel) qui se sont suicidés. Malgré la superbe qu'il a affichée devant les médias, sa réputation en a pris un coup. Sa réponse ? Des filets de protection en fer, quelques dizaines de psychiatres en renfort et deux hausses de salaires consécutives.
Correspondant à Pékin Alain Ruello