Autoroutes : le scénario du rachat des concessions s’éloigne
Etat et concessionnaires continuent de négocier. Des usagers veulent la résiliation des concessions. Mais cette hypothèse faiblit.
Par Myriam Chauvot, Lionel Steinmann
Les organisations d’usagers se sont invitées ce lundi dans les négociations entre l’Etat et les concessionnaires autoroutiers, mais sans doute un peu tard pour peser vraiment sur les discussions. Le club de réflexion Automobilité & Avenir, qui fédère l’Organisation des TPE et PME du transport routier (Otre), l’Union nationale des Automobile Clubs, la Fédération française des motards en colère, l’Automobile Club des avocats et la Fédération française de motocyclisme, a annoncé la mise en ligne sur son site d’un questionnaire ouvert à tous, afin d’« organiser une consultation de leurs membres mais aussi de l’ensemble des citoyens ». Objectif : mobiliser l’opinion publique pour contraindre le gouvernement à résilier les concessions, une solution déjà poussée par les parlementaires.
Un accord semble désormais possible
Cette initiative survient toutefois tardivement. Pour être opérationnelle au 1er janvier 2016, la résiliation devrait être actée avant le 31 décembre de cette année. Ce scénario extrême, qui n’a jamais vraiment eu les faveurs de l’exécutif, s’éloigne donc un peu plus chaque jour. Selon nos informations, cela contribue à détendre les discussions (qui se sont poursuivies ce week-end) entre l’Etat et les concessionnaires. Après les échanges musclés de la semaine dernière, se dessine « une volonté de sortir honnêtement du sujet », avance une source proche du dossier.
Inenvisageable la semaine dernière, un accord semble donc désormais possible, même si de nombreux obstacles restent à lever. Le gouvernement se concentre sur deux sujet : les tarifs des péages en 2015 (une hausse de 0,57 % est théoriquement prévue au 1er février, sans compter 0,5 % au titre d’une première compensation de la hausse de la redevance domaniale), et un prélèvement plus ou moins important sur les profits des autoroutiers. Ces derniers, de leur côté, continuent de faire valoir que tout geste de leur part doit être compensé.
Cela s’illustre avec l’une des propositions qu’ils ont formulées ces derniers jours, à la demande du gouvernement : la modulation des tarifs en faveur des transports écologiquement vertueux, comme le covoiturage ou les véhicules électriques. Comme il n’est pas question, dans l’esprit des concessionnaires, de réduire les recettes totales de péage, cela se traduirait logiquement par un discret transfert sur les tarifs des automobilistes et transporteurs « normaux »… Un vrai retour de flamme pour les activistes d’Automobilité & Avenir.
Un seul groupe de travail pour l’instant
Autre exemple, une baisse des péages ou des profits pourrait être compensée par le biais d’un second plan de relance autoroutier, selon le même principe que le premier (des travaux sur le réseau en échange d’un allongement des concessions). Toutefois, il n’a jusqu’à présent pas été prioritaire dans les discussions et, surtout, il ne représenterait pas plus de la moitié du premier plan de relance (3,2 milliards d’euros de travaux) ou au maximum le même montant. Ce qui limite sa portée comme monnaie d’échange.
La position de l’exécutif souffre toutefois d’une incohérence. Début décembre, les concessionnaires avaient demandé au gouvernement la constitution de trois groupes de travail en commun : l’un pour travailler aux propositions permettant d’atteindre un accord, un deuxième pour analyser le rapport de l’Autorité à la concurrence et un troisième pour définir ensemble un calcul pertinent de la rentabilité des autoroutes. Ce dernier semble indispensable si le gouvernement accepte une des propositions des concessionnaires : le partage des surprofits.
Pourtant, encore la semaine dernière, ni Matignon ni Bercy n’avaient déféré à cette demande. Le seul groupe de travail pour lequel ils ont nommé des représentants (les directeurs de cabinet de Ségolène Royal et d’Emmanuel Macron, respectivement Isabelle Borne et Alexis Kohler) est celui sur l’étude des propositions des concessionnaires, représentés par Bruno Angles (président de Macquarie France). Comme si, au fond, cerner la vraie rentabilité des concessions n’était pas le sujet.