Pourquoi les banques américaines vont encore renforcer leur domination mondiale
¤ Le resserrement monétaire de la Fed est un nouvel atout pour les banques américaines. ¤ Les établissements européens résistent, mais restent englués dans les taux faibles.
Par Édouard Lederer
Et maintenant, la politique monétaire ! Ultradominantes depuis la crise financière de 2008 grâce à un assainissement plus radical du secteur, les grandes banques américaines disposent d'une nouvelle arme pour creuser l'écart avec leurs concurrentes européennes. Le nouvel atout dans la manche de la banque made in USA ? Le resserrement monétaire initié outre-Atlantique en mars par la Fed, qui se traduit par une - lente - remontée des taux directeurs.
Effet de ciseaux favorable
Une récente étude de l'agence Moody's permet de mesurer ce qui se joue : selon ses auteurs, les Etats-Unis seront ces prochains mois la seule zone du globe où les banques verront progresser la rentabilité de leurs actifs ! Comment cette hausse des taux alimente-t-elle la machine à cash du secteur bancaire américain ? La structure de bilan des banques américaines, bien particulière, fait de la hausse des taux américains un puissant stimulant.
Du côté du passif, Moody's souligne ainsi que 29 % seulement du refinancement de ces établissements dépend de ressources dont le coût varie avec l'environnement de taux. Ils se financent relativement peu sur les marchés et plutôt davantage par de simples dépôts bancaires bon marché. Du coup, le resserrement de la Fed ne renchérit qu'à la marge leur coût de refinancement.
Du côté des actifs présents au bilan - en particulier les portefeuilles de prêts... -, c'est tout l'inverse : 76 % des actifs sont sensibles aux taux, ce qui traduit l'importance des crédits à taux variables outre-Atlantique. Une remontée des taux provoque une hausse des mensualités pour le client... et donc une hausse des revenus pour le prêteur. Au total, la banque bénéficie d'un effet de ciseaux très favorable : le coût de la ressource augmente - mais de façon limitée - alors que les revenus bondissent.
L'essence du modèle
Cette mécanique américaine renforce l'effet dopant qu'aurait de toute façon une hausse maîtrisée des taux, pour toutes les banques de la planète. Toutes choses égales par ailleurs, un environnement de taux plus élevé favorise une hausse des revenus à court et moyen terme. Surtout, si la pente des taux s'accentue (des taux courts bon marché et des taux longs plus élevés), la banque retrouve l'essence de son modèle : emprunter court et bon marché, pour prêter ensuite sur de plus longues durées et à un prix plus élevé.
Une perspective encore éloignée en Europe, où la politique accommodante de la BCE ne fait que freiner le mouvement. A l'inverse, aux Etats-Unis, un nouveau resserrement monétaire est attendu en 2017.
Edouard Lederer