Repenser le processus budgétaire
Lourdeur, coût, ponction sur les ressources de l'entreprise, absence de flexibilité, etc., les budgets traditionnels veulent assumer trop de fonctions, souvent contradictoires.
Le processus budgétaire traditionnel, tel qu'il est encore largement conçu et vécu, fait l'objet de nombreuses critiques. Dans son livre « Winning », Jack Welch le qualifie de « pratique managériale totalement inefficace, dévoratrice de temps, d'énergie et de plaisir et destructrice des grands rêves de l'entreprise ». Michael Jensen, ancien ténor de la Harvard Business School, estimait que le processus revenait à « payer les gens pour mentir » !
Comment expliquer ce désamour ? Lourdeur, coût, ponction sur les ressources de l'entreprise, absence de flexibilité, etc., les budgets traditionnels veulent assumer trop de fonctions, souvent contradictoires. Ils réduisent la capacité de réaction des entreprises aux changements brutaux de marché qui nécessiteraient au contraire souplesse et agilité. Partie intégrante de l'évaluation des dirigeants et paramètre important du calcul de leur rémunération - liant leurs performances à la réalisation d'objectifs -, ils conduisent à des négociations interminables pour arriver à des objectifs aisément réalisables, au développement de « jeux » subtils mais toujours stériles de politique interne et génèrent un climat émotionnel de défiance, frustration, déception et de non-transparence dans les organisations.
Pourtant, l'environnement dynamique de l'économie de l'information et de la connaissance, les ruptures générées par les innovations et les durs impératifs de la concurrence exigent qu'on se libère de la sacralisation des objectifs fixes, de la dictature de chiffres âprement négociés, du micromanagement, du rythme annuel des exercices budgétaires, du culte du secret, de l'alternance de « la carotte et du bâton » et de la paralysie des hiérarchies organisationnelles.
Alléger le processus, permettre une réelle flexibilité par des inputs reflétant les changements de l'environnement économique et des données du marché, introduire l'incertitude via d'indispensables probabilités et intégrer une dimension temps plus pertinente par le recours à des horizons variables et pluriannuels constituent les premiers pas de ce qui doit être un changement de culture et de philosophie managériales.
Marc Bertonèche, Professeur des Universités et enseignant à Harvard, Oxford, HEC et au Collège des ingénieurs.