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De Pékin à Paris, sur les traces des Han

Leur empire fut aussi grand que celui des Romains. Les Han, eux, n'ont pas laissé de monuments, mais une incroyable archéologie souterraine de tombes. Avant de découvrir l'exposition qui leur est consacrée au musée Guimet, détour par la Chine.

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Par Martine Robert

Publié le 28 nov. 2014 à 01:01

C'est un focus sur une période majeure de l'histoire de la Chine que propose jusqu'au 1er mars le musée Guimet à travers l'exposition « Splendeurs des Han, essor de l'empire Céleste », réunissant pas moins de 150 oeuvres de 27 institutions et de 9 provinces chinoises différentes, et près de 70 trésors nationaux. Une mise en bouche de choix avant d'aller découvrir quelques-uns des sites et musées dont ils sont issus.

Pourquoi s'intéresser aux Han ? Parce que ces empereurs, restés au pouvoir près de quatre siècles (de 206 avant Jésus-Christ à 220 après), ont effectué des réformes qui ont façonné l'identité chinoise : unité territoriale, système administratif centralisé, unification de l'écriture, de la monnaie, des poids et mesures... Ils ont même donné leur nom à l'ethnie majoritaire et à sa langue.

« Les Han ont conféré à leur empire stabilité politique, à l'abri de la Grande Muraille édifiée pour barrer la route aux tribus nomades, et prospérité économique, en s'appuyant sur une administration hiérarchisée, une agriculture rationalisée et une diplomatie favorisant les alliances lointaines, notamment par la route de la soie », souligne Eric Lefebvre, conservateur au musée Guimet. Cette dynastie a élargi son territoire des confins des steppes mongoles jusqu'au nord de la péninsule indochinoise, annexant l'équivalent de l'Asie centrale, du Vietnam et de la Corée. « En écrivant une des pages les plus brillantes de l'histoire chinoise, riche en innovations artistiques et techniques, elle est souvent comparée au rôle fondateur de l'Empire romain dans la culture occidentale. Pour la première fois au monde, sous cette dynastie, un pays dépasse les 60 millions d'habitants ! », poursuit le scientifique.

Tombes princières

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Autant dire que partir sur les traces des Han nécessiterait un périple de plusieurs mois... Quelques étapes s'imposent néanmoins, dictées par la concentration des sites, dans le Hebei et dans le Shaanxi, avec pour point d'entrée Pékin, où le gigantesque Musée national regorge de pièces d'exception dont certaines actuellement à Guimet. A trois heures de route de la métropole aux 21 millions d'habitants, près de Mancheng, le premier choc est la visite de tombes princières découvertes par hasard lorsqu'en pleine Révolution culturelle, une bombe détruit l'une des portes d'entrée taillées à flanc de montagne. On emprunte des oeufs pour atteindre les grottes abritant la sépulture du prince Liu Sheng et celle de sa femme. Dans ces chambres creusées dans la roche, on trouve des « substituts » funéraires en terre cuite ou en bois, figurant des serviteurs, des danseurs, des musiciens, des chevaux ou des animaux domestiques.

Les objets précieux, telle cette lampe à huile en forme de jeune femme agenouillée en bronze doré, ont été déplacés au musée du Hebei, dans la capitale de cette province, Shijiazhuang, une cité industrielle où fleurissent désormais les commerces et hôtels de luxe. Son superbe musée à 75 millions d'euros recèle 150.000 pièces dont ces incroyables linceuls composés de 2.500 plaques de jade reliées par des fils d'or, recouvrant les corps du prince Liu Sheng et de son épouse. C'est de là que provient le magnifique « boshanlu » prêté à Guimet : inspiré des croyances taoïstes sur l'immortalité, ce brûle-parfum représente des montagnes sacrées d'où s'échappent les résines odorantes.

Emprunter le train à grande vitesse pour rallier Xi'an permet de mesurer l'exode rural, avec ces forêts de tours géantes qui défilent tout le long du parcours. Beaucoup de ces édifices inachevés ou inoccupés : blanchiment d'argent, corruption, spéculation immobilière ? C'est dans les environs de Xi'an que l'on découvre le mausolée du premier empereur de Chine, Shi Huangdi, de la dynastie Qin et sa fameuse armée en terre cuite de 7.000 fantassins et cavaliers, vieille de deux mille ans, découverte par des paysans creusant un puits. Des archéologues travaillent toujours sur le site, ce qui permet de comprendre comment ils mettent à jour ces chefs-d'oeuvre de réalisme.

A Xi'an même, plusieurs musées livrent d'autres secrets sur les Han : celui consacré à l'histoire du Shaanxi est l'un des plus riche de Chine, installé dans un bâtiment inspiré de l'architecture des palais Tang; celui de la ville, récemment rénové, rappelle que cette cité, sous le nom de Chang'an, fut la capitale de la Chine pendant plus d'un millénaire; la petite pagode de l'oie sauvage, conçue pour entreposer les sutras rapportés d'Inde, est l'une des plus belles réalisations de l'architecture chinoise; enfin le Musée de la forêt des stèles constitue une fascinante bibliothèque de pierre. En Chine, tous les hauts lieux visités par les lettrés et les empereurs, tous les sites saints, ont leur forêt de stèles. Pour cette civilisation qui s'est dotée de l'encre et du papier, la tradition de fixer l'écrit sur la pierre montre l'importance du signe et de son tracé, la calligraphie. On peut aussi y voir Tianlu et Bixie, ces fauves de pierre menaçants placés à l'entrée des tombes princières pour en chasser les esprits malfaisants.

La « Rome de l'Est »

A dix kilomètres au nord-ouest de Xi'an, la visite des fouilles de l'ancienne ville de 3.600 hectares est l'occasion d'une balade à ciel ouvert dans un site atypique et champêtre qui a échappé à l'urbanisation. De ce qui fut la « Rome de l'Est », il ne reste aucun monument, seul le tracé au sol figure les anciens palais. Environ 15.000 villageois ont été déplacés pour préserver le site classé par l'Unesco, et relogés dans des gratte-ciel aux alentours, ce qui donne au lieu une allure de Central Park. Le petit musée local rappelle la splendeur passée : « Le palais Weiyang à lui seul couvrait 500 hectares, sept fois la Cité interdite ! » précise Eric Lefebvre.

En grande banlieue, au mausolée de Yangling, repose sous un tumulus de 31 mètres de haut la dépouille de Liu Qi, qui régna sous le nom d'empereur Jingdi. Quatre-vingt fosses et 400.000 statues ont été repérées et une scénographie fascinante offre une plongée sous terre : des sols vitrés permettent de marcher au-dessus de milliers de poupées de terre, concubines, serviteurs, fonctionnaires, dont les vêtements et les bras de bois se sont désagrégés avec le temps. C'est ici qu'a été trouvée une figurine féminine funéraire particulièrement émouvante, une servante assise sur les talons, dont le visage laisse transparaître une forme d'intériorité caractéristique de la statuaire Han.

« On a découvert plusieurs dizaines de milliers de sépultures ces soixante dernières années, mais pas une seule tombe des empereurs Han eux-mêmes n'a encore été fouillée », note le spécialiste de Guimet. Crainte des pillages ? Il est vrai que l'archéologie chinoise se résume à une archéologie souterraine de tombes, les palais en bois des villes antiques ayant disparu. Les plus beaux trésors restent peut-être à découvrir ?

Terre Entière organise des voyages culturels en Chine.www.terreentiere.com« Splendeurs des Han, essor de l'empire Céleste » au musée Guimet, Paris, jusqu'au 1er mars 2015. www.guimet.fr

Martine Robert

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