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Benjamin Millepied démissionne de l’Opéra de Paris

Rien n’allait plus entre le maître de ballet du Palais Garnier et les danseurs. Les négociations autour de son départ étaient enclenchées depuis longtemps, mais la rupture est désormais consommée et annoncée. Le mécénat pourrait en souffrir.

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Par Martine Robert

Publié le 3 févr. 2016 à 22:07

Cela couvait depuis des mois. Rien n’allait plus entre Benjamin Millepied et le ballet de l’Opéra de Paris. Le chorégraphe a donc annoncé jeudi en fin de matinée sa démission du Ballet de l’Opéra de Paris, dans un communiqué.

Le documentaire « La relève » que Canal Plus avait diffusé fin décembre, dans lequel le danseur prenait la liberté de critiquer tout ce qui avait été fait avant lui, était un signe avant-coureur. Mal reçu en interne, il avait aussi choqué en externe. L’ex-danseur étoile du New York City Ballet, devenu patron de la danse à Garnier, émettait même des doutes sur le fait que le ballet de l’Opéra de Paris méritait une place sur le podium des meilleures compagnies de danse au monde… Gênant quand le documentaire est une coproduction signée avec… l’Opéra de Paris.

Le directeur de cette grande maison, Stéphane Lissner, défendait encore officiellement son protégé il y a quelques jours. Logique : cette erreur de casting est la sienne, donc impossible de se désavouer. « Dès le départ les dés étaient pipés. Pour le faire venir, Lissner lui a promis monts et merveilles et a occulté la complexité du poste de directeur de ballet. Le choix a été fait d’être dans le « show off ». Pourtant la star ne doit pas être Benjamin Millepied, mais le ballet de l’Opéra de Paris ! », souligne un observateur qui souhaite garder l’anonymat. Et d’ajouter : «Benjamin ne dirigeait auparavant qu’un modeste collectif de danseurs, il n’avait aucune expérience d’une institution publique française de cette taille, avec ses lourdeurs, ni de la gestion d’une compagnie de cent-cinquante danseurs ; il ne s’agit pas seulement de créer des chorégraphies, loin de là».

« Si tu veux parler à Benjamin, laisse lui un message sur Facebook ! »

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Le patron de l’Opéra de Paris a eu beau promettre à Benjamin Millepied la nomination d’un nouvel administrateur, de réorganiser l’équipe autour de lui pour le soulager, le ver était dans le fruit. A quelques jours de la générale de sa nouvelle chorégraphie, le danseur était loin, très loin, en Californie, au lieu d’assister aux dernières répétitions. « A Garnier, on a coutume de dire depuis longtemps déjà : « si tu veux parler à Benjamin, laisse lui un message sur Facebook ! », révèle une employée des lieux. Accro d’Instagram, Facebook, Twitter, le chorégraphe a montré plus d’enthousiasme pour tourner des petits films destinés à alimenter la « 3ème scène » numérique de l’Opéra de Paris, qu’à manager le ballet, parvenant en revanche à dresser étoiles et jeunes danseurs les uns contre les autres.

« Il n’a pas un caractère facile, ne contrôle pas suffisamment sa parole. Il est nourri de nouvelles technologies, de culture américaine, et a voulu faire le New York City Ballet au Palais Garnier. Même en termes de fréquentation, cela n’est pas probant, car Chaillot et le Théâtre de la Ville le font à des tarifs deux à trois fois moins chers », constate encore cette personne du sérail. Bref, le moral des troupes déclinait, et la direction de la création artistique du Ministère de la Culture (la tutelle) commençait à s’en préoccuper.

Après Noureev et Dupond, nouvelle erreur de casting

On a oublié, après le long épisode de Brigitte Lefèvre qui a géré pendant 20 ans le ballet de l’Opéra de Paris, que les expériences précédentes de danseurs-étoiles devenus managers de la compagnie, n’avaient pas vraiment été probantes. Cela s’est mal terminé entre Noureev, chorégraphe inventif mais absent la moitié du temps, et le directeur de l’époque Pierre Bergé. Idem pour Patrick Dupond, chouchou du public mais personnalité compliquée. Brigitte Lefèvre, au profil à la fois artistique et administratif - elle était précédemment déléguée à la danse au ministère de la culture - était elle présente du matin au soir, scrutant le moindre détail (de la grille tarifaire à la reconversion des danseurs). Choisie par Hugues Gall, nommé directeur de l’Opéra de Paris en 1994, soucieux que la danse ait une identité forte, elle avait apprivoisé une compagnie réputée difficile.

Homme pressé, hypersollicité, Benjamin Millepied n’a pas eu la patience de comprendre les codes du ballet et plus généralement de l’Opéra de Paris, coincé dans un scénario qui n’était pas celui imaginé. Dommage car, à son arrivée, les danseurs étaient vraiment séduits. Il sera intéressant de voir quels seront les éléments de langages et le calendrier donnés par Stéphane Lissner lors de la conférence de presse de ce jeudi. Le futur directeur du ballet devrait être annoncé à cette occasion. Reste que cette rupture risque de ternir aussi le rayonnement dont bénéficiait l’ex-directeur de la Scala de Milan.

Le départ de Benjamin Millepied va signer aussi celui du tandem glamour qu’il forme avec sa femme, l’actrice Nathalie Portman. Sale coup pour le mécénat car le duo était plébiscité par les généreux donateurs, américains mais pas seulement. Lors du gala d’ouverture de saison, pas moins de un million d’euros a été récolté, contre 100.000 à 400.00 euros habituellement. Hier soir au dîner de gala des mécènes, Benjamin Millepied était là et a présenté la saison prochaine qui est la sienne. « Mais personne n’était dupe » dit un participant. Peut-être que pour mieux faire passer la pilule, on proposera à Millepied de rester chorégraphe résident à l’Opéra de Paris. Pas certain que ce soit suffisant.

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