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Bras de fer sur la future ligne TGV Tours-Bordeaux

•La SNCF juge que les péages qu'elle devra acquitter au concessionnaire privé sont exorbitants.•Les discussions sur le nombre de TGV qui circuleront quotidiennement sont au point mort.

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Par Lionel Steinmann

Publié le 18 mai 2015 à 01:01

Paris-Bordeaux en 2 heures et 5 minutes au lieu de 3 heures, ce sera possible à partir de juillet 2017, grâce à la nouvelle portion de ligne TGV actuellement en construction entre Tours et Bordeaux. Mais pour des raisons techniques, c'est dans les mois qui viennent qu'il faudra déterminer précisément le nombre de trains qui circuleront quotidiennement sur la nouvelle infrastructure. Et ce sujet fait l'objet d'un bras de fer qui va crescendo entre la SNCF et Lisea, le concessionnaire de la ligne.

Car Tours-Bordeaux est une ligne à grande vitesse particulière : les 7,8 milliards d'euros nécessaires à sa construction ont été réunis grâce à un partenariat public-privé. Les péages que verse la SNCF pour faire circuler ses trains sur ces 302 kilomètres de voies ne seront donc pas versés à SNCF Réseau (ex-RFF), comme c'est l'usage ailleurs, mais à Lisea, le concessionnaire (dont Vinci détient un tiers des parts) qui doit exploiter la ligne jusqu'en 2061.

Or, la SNCF l'affirme de longue date : elle juge exorbitants les péages qu'il lui faudra verser à Lisea. Et elle le dit avec d'autant plus d'énergie qu'elle a été tenue à l'écart quand Lisea a négocié ses tarifs avec l'Etat, en 2010. « Lorsque la ligne sera inaugurée, les péages sur le territoire de la concession vont doubler du jour au lendemain, explique un expert au fait du dossier. Au final, cela pourrait se traduire pour l'entreprise par une perte d'exploitation pérenne d'au moins 150 millions par an. » Le concessionnaire, lui, conteste ce chiffrage « qui n'a jamais été argumenté » et assure que le tarif kilométrique ne sera pas plus élevé que celui pratiqué sur la ligne Paris-Lyon.

Captation de 90 % du trafic aérien

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Pour réduire ses pertes, la SNCF a donc fait savoir qu'elle serait amenée à maximiser les taux de remplissage et donc à calculer au plus juste le nombre de TGV qui circuleraient chaque jour. Ce qui fait bondir Lisea : le concessionnaire assume le risque trafic et a misé dans son modèle économique sur un passage en 2017 à 48 trains aller et retour empruntant tout ou partie de la ligne, contre 37 aujourd'hui.

Les deux camps sont donc en discussion depuis des mois pour essayer de sortir de ce schéma perdant-perdant. En vain pour l'instant. La SNCF veut obtenir une baisse des péages « à un niveau qui permette de lancer le trafic », explique un source proche du dossier, mais Lisea ne veut pas en entendre parler. Selon cette même source, la compagnie aurait proposé des modalités de calcul des péages différentes, et même suggéré au concessionnaire de refinancer sa dette pour desserrer ses contraintes financières. Sans plus de résultats.

La SNCF évalue pourtant à près de 30 % la croissance du nombre de passagers entre Paris et Bordeaux, grâce notamment à la captation de 90 % du trafic aérien. Mais cette augmentation se ferait en large partie en utilisant des nouvelles rames TGV, plus capacitaires, et non en injectant 30 % de TGV directs en plus. Le supplément de trafic vers les gares intermédiaires du parcours serait par contre négligeable.

Pour faire pression sur l'entreprise publique, Lisea hausse le ton. « Les négociations avec la SNCF se déroulent à un rythme beaucoup trop lent, assure son président, Laurent Cavrois. La SNCF a fait des propositions de dessertes et de fréquences aux collectivités qui sont si dégradées et si peu ambitieuses qu'elles sont considérées comme inacceptables par tous les cofinanceurs locaux. »

Des dizaines de collectivités locales ont en effet été priées d'apporter leur écot pour boucler le financement de la ligne, et l'Etat s'était engagé en retour à ne pas réduire le nombre d'arrêts dans les gares comme Angoulême ou Poitiers. Mais la SNCF, qui là encore a été mise devant le fait accompli, a indiqué que ces engagements n'étaient pas tenables.

Lisea compte sur la colère des élus, qui crient à la trahison, pour faire fléchir la SNCF. Et aurait même, selon une source, demandé au gouvernement d'intervenir pour débloquer les discussions.

L'entreprise publique, de son côté, joue l'apaisement avec les interlocuteurs locaux et a chargé l'ancien ministre Jean Auroux d'une mission de médiation. Celui-ci devrait rendre ses propositions à la fin du mois. Le lobbying que mènent les deux camps ne va sans doute pas mollir dans les semaines à venir.

Lionel Steinmann

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