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L'économie numérique, danger pour la classe moyenne

Par Nicolas Arpagian (Vice-Président du cabinet HeadMind Partners)

Publié le 24 août 2016 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

La généralisation de l'économie numérique a conduit à la sacralisation du prix, qui est plus que jamais devenue la porte d'entrée de toute transaction commerciale. Pour choisir sa destination de vacances, un nouvel ordinateur ou un vêtement, la fréquentation d'un comparateur de prix est désormais incontournable. Au point de ridiculiser celui ou celle qui admettrait ne pas consommer de la sorte.

Cette tendance au toujours moins cher s'insère dans tous les pans de la vie quotidienne, jusqu'à rendre suspect l'affichage d'un prix non sacrifié. Et l'économie dite « du partage » accentue le phénomène. Même si on semble ne pas vouloir comprendre qu'un hôtelier ayant des salariés, et d'inévitables frais de structure, est soumis à des dépenses que n'a pas un particulier qui sous-loue son studio. Et qu'un automobiliste qui partage sa voiture sera toujours meilleur marché qu'un professionnel patenté du transport.

A déconsidérer le prix, on mine la notion de valeur qui est associée au bien ou au service concerné. Cette posture est certes confortable dans la position de l'acheteur, qui semble mener la danse. Mais elle l'est moins quand on se trouve en tant qu'offreur pris dans cette spirale des enchères inversées. Or, pouvoir être un consommateur suppose d'être capable de générer des revenus. Donc que la rémunération de sa propre activité n'ait pas été réduite à néant. Certes, les salariés d'aujourd'hui tirent encore parti de ce système, mais au prix de quels renoncements débuteront les nouveaux entrants dans le monde professionnel ?

Même quand il est question de monétiser la navigation de l'internaute, par exemple avec les médias gratuits financés par la publicité, les annonceurs regardent attentivement le profil - et donc la solvabilité - desdits internautes... en considérant qu'il est vain de cibler des personnes dont le salaire ou la localisation géographique les empêcheraient d'être des consommateurs dignes d'intérêt.

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Il devient urgent que les citoyensconsommateurs comprennent le mécanisme d'élaboration d'un prix pour aborder leurs achats de manière raisonnable. Le salaire décent auquel chacun aspire ne peut trouver son financement dans une quasi-gratuité systématisée. En outre, la marge constitue le fondement des investissements futurs et des réserves permettant de traverser les inévitables aléas de la vie des affaires. Sans elle, l'avenir est moins préparé et la première difficulté peut s'avérer fatale. Il n'y a pas d'économie durable et donc de liberté sans pouvoir d'achat. Pas question de défendre ici le modèle de la rente, mais bien de faire comprendre qu'il sera toujours plus rapide de détruire aujourd'hui des activités pourvoyeuses d'emplois que de trouver les professions nouvelles qui les remplaceront peut-être dans le futur. Il ne s'agit pas seulement du maintien d'emplois salariés, mais de ce qui fait le liant de communautés humaines.

C'est tout le défi à venir : comment former des classes d'âge à des métiers qui ne risquent pas de se voir concurrencés à court terme par la mécanique de l'intelligence artificielle, qui fixe comme règle de base que toute action qui se répète plus d'une fois peut s'automatiser. Dès à présent, des conseils juridiques, des journalistes, des assistants commerciaux ou médicaux et d'autres dizaines d'emplois qualifiés sont en concurrence avec des robots. Quelles sont alors les fonctions qui peuvent s'estimer à l'abri ?

La systématisation croissante de l'automatisation vise principalement la classe moyenne et ceux qui aspirent à en faire partie. Cette catégorie sociale est historiquement un facteur de stabilisation de la société. Sa disparition annoncée remet en question notre modèle d'organisation collective. Et ce n'est pas un robot qui pourra nous apprendre à vivre dans ce monde-là.

Nicolas Arpagian

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