Publicité

Les entrepreneurs et l’ascenseur émotionnel

Passionnée de mode, Maud Fourier-Ruelle a lancé Matemonsac.com en 2009, eshop dédié aux accessoires de la Parisienne. Elle a aussi réuni des entrepreneurs et créé un réseau : Matemonreseau. Chaque mois, pour les Echos Entrepreneurs, elle fait part de son expérience d'entrepreneure parisienne et des échanges qu'elle entretient avec les membres de son réseau. Elle souhaite donner la niaque aux entrepreneurs mais aussi donner envie à ceux qui hésitent à lancer leur start-up et à réaliser leur rêve.

204934_1448387971_maud-fourier-ruelle-matemonsac-ok-c-olivier-ezraty.jpg
Maud Fourier-Ruelle, fondatrice de Matemonsac.com et de Matemonreseau, entrepreneure parisienne (©Olivier Ezraty)
Publié le 25 nov. 2015 à 06:30

Aujourd'hui je voudrais vous parler du fameux ascenseur émotionnel dont on parle souvent à propos des entrepreneurs, vous expliquer à quoi cela ressemble et comment faire pour en tirer le meilleur. Je vais vous raconter mon vendredi 13, celui d'une entrepreneuse parisienne.
Ma journée a commencé par un ascenseur qui est descendu directement au sous-sol sans passer par la case départ ! En effet, j'ai reçu mon tout premier avis de passage d'huissier. Je dis "premier" car il paraît que dans une vie d'entrepreneur il y en a plusieurs … Ce sont des amis chefs d’entreprise qui me l’ont dit par la suite pour me remonter le moral ! Il s’agissait d’une convocation au tribunal de commerce.

Envie de tout laisser tomber

A ce moment là, j'ai eu envie de tout laisser tomber, j'avais envie de hurler :"Je suis honnête, je bosse comme une folle, je me bats sans cesse pour faire en sorte de développer ma start-up, je paie mes fournisseurs, mon loyer, je ne mérite pas ça car j'ai besoin de toute mon énergie pour me concentrer sur mon entreprise en ce moment et pour la développer." J'ai ressenti une injustice incroyable et une incompréhension totale.
C'est très dur pour un entrepreneur de se sentir attaqué alors qu'on se démène en permanence pour faire en sorte de faire fonctionner son business en respectant tout un tas de règles. Bref, j'ai pleuré un bon coup. Un bon gros coup. J'étais descendue au sous-sol au niveau des émotions. Mais il fallait absolument que j'appuie sur le bouton rouge pour remonter !
J'avais la chance d'avoir une incroyable source de motivation car le soir-même j'étais invitée à participer à l'inauguration du "Happy Happening", un formidable événement qui devait durer tout le week-end au Carreau du Temple. Le Happy Happening c'est une "fabrique à héroïnes" organisée par Aude de Thuin, Marie-Laure Sauty de Chalon et Aufeminin.com. Le mot d'ordre c'est : Happy !

Heureuse et fière d’être sélectionnée

Publicité

Leur objectif est de révéler l'héroïne qui est en nous avec de nombreux débats, activités etc.
Un événement extra qui devait être très joyeux et auquel je me réjouissais d’assister. J'avais été contactée quelques semaines auparavant pour y participer et j'étais si heureuse et fière d'avoir été sélectionnée. Mon ascenseur émotionnel était monté quasiment au dernier étage quand elles m'ont appelée. Je ne m'y attendais pas du tout !
Elles me donnaient une chance incroyable de faire connaître Matemonsac.com auprès du grand public. J'étais invitée à présenter mon site de e-commerce et mes superbes pochettes kilim éco-responsables et solidaires. Nous attendions plusieurs milliers de visiteurs. Chez Matemonsac.com nous avions réalisé à cet effet des flyers, des tote bags avec un message joyeux qui dit "Shopping is better than therapy" pour les offrir aux femmes qui allaient venir...
Je devais donc me rendre à cette soirée et y sourire... mais quand l'ascenseur émotionnel est si bas il est compliqué de se motiver. Alors je me suis rassemblée, je me suis réunie avec moi-même, je me suis donné une petite claque en me disant :"Maud n'oublie pas que ce soir tu as une chance incroyable de participer à cet événement alors tu vas y aller, tu ne dois pas gâcher cette chance qui t'est offerte". J'ai donc appuyé sur le bouton pour faire remonter l'ascenseur.

Garder le cap

Ce n'est pas quelque chose qui est automatique mais je crois que quand on est réellement entrepreneur on trouve toujours le moyen d'arriver à appuyer sur ce bouton. On sait qu’il est vital pour notre entreprise de garder le cap même si parfois cela demande un effort surhumain d'arriver jusqu'à lui ! J'y suis donc allée avec mon plus beau sourire et, avec mes soucis dans une boîte fermée à clés.
Lorsque j'y suis arrivée, j'étais heureuse d'avoir fait cet effort, il y avait tout plein de belles énergies sur place. J'ai été formidablement accueillie par une équipe de femmes toutes adorables et bienveillantes. J’ai découvert un très bel espace sur lequel je pouvais présenter mes pochettes kilim et discuter avec les nombreuses femmes invitées pour la soirée.
Les visiteuses m'ont d’ailleurs toutes encouragée, félicitée, ont pris mes pochettes et mes sacs dans leurs mains en me disant que c'était extra, qu'elles adoraient ce que j'avais créé avec l'association de femmes handicapées qui les fabriquent pour nous. Elles étaient aussi très touchées par l'histoire de ces sacs à main et leur côté solidaire.

Ascenseur bloqué au sous-sol

Bref, mon ascenseur émotionnel était au top du top ! Compliqué d’aller plus haut. Vers 21h20 je pars de là car le lendemain nous attendions près de 6.000 personnes, il fallait que j'aille me reposer. Je prends le métro à République à 21h30, au même moment que les terribles attentats qui se déroulaient à quelques centaines de mètres de là. Je ne le savais pas.
Une fois arrivée chez moi j'apprends ce qui est en train de se passer via Twitter et, comme pour tout le monde, le cauchemar commence. Le monde s'arrête, mon ascenseur redescend au sous-sol et y reste bloqué.
L'événement est bien entendu annulé. Alors, comment faire quand son ascenseur reste coincé au sous-sol et qu'on doit gérer une entreprise ? Lundi matin je cherche à atteindre le bouton de l'ascenseur mais je n'y arrive pas. Plus rien n'a de sens. Je me dis que vendre des sacs à main et des bijoux c'est totalement futile et déplacé en ce moment.

Continuer à vendre du rêve ?

En même temps, sur les réseaux sociaux, je vois des messages très culpabilisants apparaître de blogueuses et d’autres personnes qui reprochent à certaines marques de communiquer pour faire la promotion de leurs produits. Alors j'ai honte. Je me dis que je ne peux pas communiquer auprès de mes clients et followers, que je n'ai pas le droit de parler de sacs à main et de bijoux et encore moins de cadeaux de Noël ! Je décide à ce moment là de ne pas envoyer notre newsletter hebdomadaire du mardi.
Et puis, une cliente m'appelle et me parle d'un bracelet, me pose des questions et finit par me dire à quel point cela lui fait du bien de s'offrir un bracelet sur lequel il est gravé "j'aime paris". Alors,  je me dis que pour mes clients, je dois continuer à leur vendre du rêve, du futile qui procure aussi du plaisir et ça, on en a besoin, même s'il n'est que de courte durée.

Novembre-décembre = 30% du chiffre d’affaires

Il se trouve par ailleurs que les mois de novembre et décembre représentent 30% de mon chiffre d’affaires, comme il en est de même pour de nombreux commerçants à cette période.
Il est donc vital pour mon entreprise de faire en sorte que cela continue.
Toute activité commerciale s'étant quasiment arrêtée depuis vendredi soir, le stress est évidemment à son comble. Les émotions sont confuses. La honte mélangée à la peur de ne pas pouvoir payer le loyer à la fin du mois ou les personnes qui travaillent avec moi et le sentiment d'impuissance totale à ce qu'il se passe... C'est ce que ressentent les entrepreneurs autour de moi et avec lesquels je discute.
Nous avons peur de voir nos activités péricliter car l'activité commerciale est très fortement ralentie. Autour de moi tout le monde est touché et ne sait pas comment il va finir l'année.
Et puis nous avons aussi tous ce sentiment de honte et sommes gênés d'envoyer des messages commerciaux à nos clients. Mais pourtant il le faut bien…

Solidarité et entraide

Alors, comme j'ai l'immense chance d'avoir Matemonreseau et d'être entourée de formidables entrepreneurs, une chaîne de solidarité s'est mise en route entre nous de manière spontanée.
Nous avons beaucoup communiqué entre nous car nous avons tous la même problématique : tout s'arrête à un moment crucial de notre activité et en même temps nous sommes totalement assommés. Comment faire ? Et c'est là qu'il en ressort des choses formidables et que l'ascenseur remonte doucement au rez-de-chaussée pour arriver ensuite au premier étage. Et j'espère qu’il va remonter bientôt encore plus haut !

Voici des exemples très concrets qui se sont mis en place autour de moi

Publicité

- Prendre le temps de discuter entre nous.
L’écoute fait du bien car cela nous rassure de savoir qu'on se pose presque tous les mêmes questions et que nous avons les mêmes peurs. Cela nous fait aussi déculpabiliser de vouloir faire en sorte que notre business continue. Nous le faisons beaucoup plus en ce moment qu'avant. Se parler. Boire un café. En terrasse. Ou un verre de vin ! #tousaubistrot

- Nous mettons en place un partenariat avec mon ami Arnaud du site Champmarket.com.
Nous allons lancer la semaine prochaine une opération qui offrira, à partir de 150 euros dépensés sur Matemonsac.com, une très belle bouteille d’une marque renommée de champagne d'une valeur de 35 euros environ et qui sera livrée par Champmarket.com !
Nous associons nos forces pour essayer de créer une dynamique avec des offres nouvelles pour nos clients !

- De nombreuses personnes m'ont proposé d'organiser des ventes à leur domicile ou lors d'événements qu'elles organisent afin que je puisse venir y vendre nos sacs et nos bijoux !
Je les remercie pour leur soutien.

- Le salon de coiffure Lucia Iraci, qui coiffe les stars à Odéon, expose mes pochettes Kilim pendant que ses clientes se font coiffer ! Aussi une belle preuve de soutien, merci Lucia ! De mon côté je vais l'aider pour la vente solidaire qu’elle organise dans son salon le dimanche 6 décembre au profit de son salon de beauté solidaire Joséphine, qu’il faut sauver du dépôt de bilan. Je vous invite d'ailleurs à y aller !

- Enfin, j’ai reçu cette semaine dans mon bureau des entrepreneurs qui cherchaient un lieu de réunion au calme et qui n'avaient pas les moyens de louer une salle. Je leur ai prêté un espace pour le faire pendant quelques heures.

Autant d'exemples de solidarité entre nous car nous devons maintenir nos entreprises à flot et nous aider les uns les autres. On ne va ne pas en plus du reste les laisser tuer nos start-up !! Hors de question !

Si de grosses entreprises ont les reins suffisamment solides pour subir une forte chute d'activité, ce n'est pas le cas de toutes les start-up alors j'appelle tous les entrepreneurs à s'entraider. Faites-le localement par exemple. C'est essentiel. Et soyez inventifs ! "

#NousSommesdesEntrepreneursUnis

www.matemonsac.com

Maud Fourier-Ruelle, fondatrice de Matemonsac.com et de Matemonreseau

Nos Vidéos

994a2f3b23c42c2a6202df038cf31e536e7d3bad-858x480.jpg

Elle crée son entreprise en prenant la suite d’une association

48a9cc0f0d70c7deb0aaf4f5efc2b799a65a37e2-858x480.jpg

Tourisme augmenté : Arthis enrichit les visites de réalité virtuelle

45e9e110be5eff5e9e757985bda35f8c2d743af9-858x480.jpg

Cet artisan devenu patron de PME a troqué le chalumeau pour un fauteuil de dirigeant

Publicité