Plusieurs médias anglo-saxons ont déjà choisi de s'affranchir d'Apple
Le « Financial Times » ne développe plus d'applications iOS et s'en félicite. Plusieurs médias américains ont fait de même.
Par Nicolas Rauline
C'était il y a plus de trois ans déjà. En juin 2011, alors que tous les médias regardaient du côté de l'iPad, espérant profiter de l'engouement pour les tablettes, le « Financial Times » décidait de court-circuiter Apple ! Il annonçait le lancement d'une « Web app », téléchargeable à partir de son site et qui prenait la forme d'un raccourci à installer sur l'écran de son téléphone, comme toute autre application. Une fois ouverte, elle présentait tous les contenus du quotidien sous la forme d'une application classique. Compatible avec toutes les plates-formes, iOS, Android, Windows, elle n'était pas référencée sur iTunes, la boutique d'applications d'Apple. Les avantages de cette formule sont nombreux : les coûts de développement sont moindres, l'éditeur peut conserver 100 % des revenus générés par son application sans verser les 30 % de commission que réclame Apple, il contrôle complètement ses contenus sans le risque de voir Apple ou Google les censurer, il peut insérer des liens vers d'autres sites... Et l'utilisateur n'a plus besoin de télécharger régulièrement une nouvelle version de l'application : la Web app se met à jour automatiquement.
Le pari n'était pas gagné pour le « FT », qui a dû lancer une large campagne de communication pour promouvoir son application. Mais le quotidien affirme qu'il n'en a pas souffert et que le nombre de ses abonnés numériques a même doublé depuis, passant de 229.000 en juin 2011 à plus de 476.000 aujourd'hui. Surtout, le « Financial Times » a retrouvé une relation directe avec ses utilisateurs mobiles.
Frilosité en France
Même démarche chez l'américain Quartz. Ce site, lancé par Atlantic Media (« The Atlantic ») en 2012, a opté pour une Web app, sans application native. « Pour un nouveau média comme le nôtre, cela nous permettait de toucher instantanément l'audience la plus large possible, explique Micah Ernst, directeur de l'ingénierie chez Quartz. Les développements sont en outre beaucoup plus flexibles, il n'y a pas tous ces allers-retours qu'imposent Apple ou Google avant de pouvoir réellement lancer l'application sur leur store. »
En France, les médias n'ont pas encore franchi le pas. Certains développent des sites en « responsive design » afin qu'ils s'adaptent à toutes les tailles d'écran, mais peu osent, pour le moment, se passer d'Apple et Google. « Je ne m'attends pas à voir beaucoup d'éditeurs se passer de leurs applications natives dans un futur proche mais je pense qu'ils vont investir de plus en plus dans des Web apps, afin d'éviter d'être trop lié à un seul acteur, explique sur son blog Graham Hinchly, directeur de l'ingénierie au FT Labs. Cela réduit aussi les risques de changement dans ces boutiques, économiques ou juridiques, qui pourraient avoir des conséquences désastreuses en termes de business. » Et avec les perfectionnements technologiques, les choses pourraient s'accélérer.
N. Ra.