REPORTAGE : A Munich, l’incroyable élan de solidarité envers les réfugiés
Depuis que la chancelière a ouvert les portes aux Syriens, les manifestions d’entraides redoublent.
Par Thibaut Madelin
Ce mardi à la gare centrale de Munich, la détresse humaine a rendez-vous avec l’humanisme. En l’espace de 24 heures, plus de 2.000 réfugiés dont Mouad Lallah, un jeune de 21 ans de père marocain et de mère libyenne, arrivé le matin en train depuis l’Italie, sont accueillis par des dizaines de bénévoles. « J’ai entendu à la radio que beaucoup de réfugiés étaient venus dans la nuit et je suis venue aider spontanément », témoigne Melanie Sturm, fonctionnaire de 42 ans.
A quelques mètres, une mère syrienne épuisée, avec quatre enfants en bas âge, arrive au terme d’un périple de plusieurs semaines à travers la Turquie, la Grèce, la Macédoine et la Serbie. « Nous avons pris le train à Budapest lundi soir à 21 heures 15 », raconte-t-elle, avant de monter dans un train pour Schweinfurt, en Bavière -via l’Autriche- où elle sera, accueillie dans un centre de premier accueil, puis dispatchée vers une commune. « Nous voulons rester en Allemagne, dit-elle. Ma fille est malade. »
Ticket de train gratuit
Cette famille qui a fui la guerre civile a pu être immédiatement enregistrée par les services de migration, qui lui ont donné un ticket de train gratuit. Mais étant donné l’afflux record de lundi, des centaines de réfugiés ont d’abord été transférés en bus vers d’autres centres pour faire leur demande d’asile formelle. « Nous avons affrété plus de 20 cars bavarois et 8 autres sont venus de Hesse et de Bade-Wurtemberg, » explique Christoph Hillenbrand, préfet de Haute Bavière.
L’Allemagne, qui attend jusqu’à 800.000 réfugiés cette année–du jamais vu– a reçu en début de semaine un flot record de demandeurs d’asile après que la Hongrie les eut laissé passer sans les contrôler. Une réaction à l’annonce de Berlin d’accepter toutes les demandes d’asile syriennes. Au total, 600 réfugiés sont ainsi arrivés lundi à la gare de Munich et 1.900 mardi, selon un policier. Des scènes rappelant la vague d’Est-allemands venus par la Hongrie avant la chute du mur, en 1989.
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Multitude de bénévoles
Avant de reprendre le bus ou le train, les réfugiés sont accueillis par la multitude de bénévoles, qui leur distribue de la nourriture, des couches, des jeux pour les enfants ou des parapluies. Des habitants munichois ont déposé ces vivres devant le périmètre de sécurité, auquel ont accès les réfugiés, les bénévoles ou la police. « Cette solidarité est incroyable mais totalement anarchique », commente Victor Fuchs, consultant de 44 ans, venu aider. On s’informe par Facebook et Twitter. »
Les règles restent les règles
« Nous avons lancé cette initiative citoyenne lundi après avoir entendu que tous ces réfugiés se dirigeaient vers la Bavière », explique Andreas Duchmann, un jeune apprenti de 20 ans qui se présente comme un organisateur. Cela a fait boule de neige. Albert Wagner, ingénieur retraité de 76 ans, est ainsi venu de Ratisbonne en voiture avec une idée fixe : ramener une famille. « La maison d’un voisin est vide mais à cause de la bureaucratie, ça risque de prendre du temps ». De fait, même si « on improvise un peu », comme le reconnait un policier sur un ton placide, les règles restent les règles. Les réfugiés arrivés à Munich sont ainsi répartis dans le pays selon une clef de répartition et à l’aide d’un logiciel baptisé EASY, qui les dispatche en temps réel. Avant cela, ils font l’objet d’un court check-up médical effectué par les volontaires, comme Tobias Hock, ambulancier de 38 ans venu d’Augsbourg, à une heure de voiture.
« J’aime Volkswagen ! » : un ingénieur syrien de 20 ans
A ses côtés, deux Syriens arrivés mi-mai en Allemagne et venus offrir leurs services de traducteurs. « Je suis venu en Allemagne car je veux travailler et construire mon avenir », dit Omar al Masalmah, ingénieur de 20 ans. « J’aime Volkswagen », ajoute Omar Sheikh al Sagha, le sourire en coin. Dans son pays, cet ancien manager dans une chaîne de mode roulait en Golf MK3. Pour venir en Allemagne, il a marché pendant douze jours de la Turquie jusqu’à Budapest, dit-il.
« Le monde voit l’Allemagne comme un pays d’espoir et de chances, ce n’a pas toujours été le cas », a déclaré lundi la chancelière Angela Merkel, comparant ce nouveau défi à la sortie du nucléaire, la crise de 2009 ou la Réunification. « Nous y arriverons », a-t-elle ajouté, tout en prévenant : « L’exactitude allemande c’est super. Mais là, nous avons besoin de la flexibilité allemande ». A Munich, ce mardi, la chancelière semblait avoir raison.
Thibaut Madelin, envoyé spécial à Munich