Publicité

Trop de fleurons du CAC 40 ont quitté l'Hexagone

L'appel de l'international s'est fait encore plus fort. Au point que des directions ou des centres de décision s'éloignent de la France.

ECH22413566_1.jpg

Par Guillaume Maujean

Publié le 28 mars 2017 à 01:01

La série a marqué les esprits. Lafarge qui déménage son siège en Suisse après sa fusion avec Holcim. Alstom qui vend ses turbines à l'américain General Electric. Alcatel qui finit par se vendre au finlandais Nokia. Technip qui se domicilie à Londres après son mariage avec le texan FMC Technologies. Les groupes du CAC 40 ont des envies d'ailleurs. Cela fait longtemps qu'ils ne réalisent plus qu'une portion de leur chiffre d'affaires en France, mondialisation oblige. Plusieurs groupes réalisent même plus de 95 % de leur activité en dehors de nos frontières.

Mais, depuis quelques années, l'appel de l'international s'est fait encore plus fort. De plus en plus de hauts dirigeants vivent désormais à l'étranger. Des comités exécutifs partent s'installer près de leurs principaux marchés - celui de Schneider a pris ses quartiers à Hong Kong. Des directions sont délocalisées, comme une partie des finances de Total à Londres. Et, parfois, le siège social déménage vers des cieux plus cléments, à Amsterdam, Zurich ou Bruxelles. Au point que certains redoutent une « muséisation » de l'économie française, qui laisserait partir ses fleurons industriels et financiers.

« Un siège qui part, c'est d'abord un centre de décision qui quitte le pays; ça change fondamentalement l'allocation des investissements futurs et donc la localisation des nouveaux emplois sur le long terme, a alerté Xavier Fontanet, l'ancien patron d'Essilor. C'est ensuite un signal solennel lancé au pays, comme à une entreprise qui perd coup sur coup de très gros clients. Elle sait alors qu'elle n'est plus compétitive et doit revoir son "business model". » Un récent rapport (il date d'avril 2016) du Conseil d'analyse économique s'est penché sur la question. Il a constaté sur trente ans une très nette érosion de la part de l'Hexagone au profit de l'Allemagne et de la Belgique, dans le nombre de sites accueillant des fonctions stratégiques. En 1980, la France était le pays d'Europe qui en accueillait le plus (20,5 % du total). En 2012, elle avait chuté en quatrième position (16,8 %). Et cette part ne s'est certainement pas améliorée depuis. Car le CAC 40 n'est pas le seul concerné, plusieurs PME et ETI ont convolé avec des concurrents internationaux.

Les raisons de cet exode sont bien connues. D'abord, le manque de capitaux pour soutenir les entreprises françaises, compte tenu d'une taxation dissuasive et de l'absence de fonds de pension. Les investisseurs étrangers contrôlent aujourd'hui 45 % du CAC 40 (cette part est montée jusqu'à 48 % en 2013). Ensuite, la mauvaise image qui colle à l'écosystème français, sur les droits du travail, la fiscalité, le poids de la sphère publique... Enfin, une certaine dégradation du climat des affaires. Même s'ils justifient souvent leurs départs par le temps qu'ils passent à l'étranger, des dirigeants confient en privé qu'ils ne supportent plus la diabolisation des patrons et l'interventionnisme politique. Le mouvement inquiète donc les milieux d'affaires. « Si les dirigeants d'entreprises déménagent, la France leur paraîtra de plus en plus lointaine, craignait dans nos colonnes René Ricol, le président du cabinet Ricol-Lasteyrie. Cela risque d'amplifier leur tendance naturelle à aller chercher de nouveaux débouchés ailleurs. » Sur le plan politique, il a déjà commencé à réveiller quelques réflexes protectionnistes. D'autant que la Chine est de plus en plus active : elle a multiplié par 8 ses acquisitions en Europe depuis 2012, ciblant notamment le Club Med, l'aéroport de Toulouse ou Louvre Hotels.

Publicité

Des pôles d'excellence

Comment changer la donne ? Il serait présomptueux de vouloir élever des barrières pour sécuriser le capital de toutes les grandes entreprises. La France a été heureuse d'accueillir des capitaux chinois pour sauver PSA ou japonais pour Areva. Les champions français ont aussi largement poursuivi leurs conquêtes à l'étranger. Danone, Air Liquide, Essilor ou LVMH - pour n'en citer que quelques-uns - ont réalisé d'importantes acquisitions en dehors de leurs frontières. Sur la question des centres de décision, le Brexit pourrait rebattre les cartes en Europe, mais Londres promet déjà de dégainer l'arme de la baisse du taux d'imposition. Et, pour le Conseil d'analyse économique, il serait irréaliste d'engager une grande bataille sur ce terrain : « Abaisser radicalement la fiscalité des entreprises pour attirer des sièges entraînerait un manque à gagner important pour des gains limités en termes d'emplois et d'activité. »

En revanche, la France a encore une carte à jouer sur les centres de décision au sens large, en développant des pôles universitaires d'excellence mondiale et en assurant une stabilité fiscale pour les cadres à hauts revenus. L'enjeu principal, c'est autant la difficulté à retenir nos champions industriels, que notre capacité à en faire émerger de nouveaux.

Guillaume Maujean

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

qfkr8v3-O.jpg

La baisse de la natalité est-elle vraiment un problème ?

Publicité